Progrès, risques et mise en garde du Contrôle fédéral des finances.
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Alors que la Confédération prépare une révision de la loi sur le DEP, le Contrôle fédéral des finances alerte sur des lacunes critiques en matière de coûts, de sécurité et d’infrastructure. L’OFSP affirme cependant avoir déjà corrigé une partie des insuffisances.
Le dossier électronique du patient (DEP) n’a pas encore atteint l’adoption attendue en Suisse. Pour favoriser son déploiement, la Confédération prévoit une révision de la loi LDEP, récemment examinée par le Contrôle fédéral des finances (CDF). Dans un rapport d’audit, l’autorité relève plusieurs insuffisances dans la documentation présentée début 2025 par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), notamment en matière de coûts, de bénéfices attendus et de sécurité.
Lors de la consultation interne de janvier 2025, des informations essentielles faisaient défaut, rendant difficile l’évaluation de l’efficacité et de la pertinence des mesures proposées. Le CDF pointe en particulier des estimations financières très larges : pour les 17’500 médecins du secteur ambulatoire, les coûts supplémentaires pourraient varier entre 5 et 350 millions de francs par an, illustrant l’incertitude du modèle. Pour d’autres catégories d’acteurs — près de 55’000 institutions — aucune estimation n’était fournie.
Au-delà de l’aspect financier, le CDF souligne que l’OFSP ne démontrait pas clairement les bénéfices concrets du DEP ni les mécanismes permettant de les atteindre. Sans précisions supplémentaires, le Conseil fédéral et le Parlement risquaient de statuer sans vision complète, ouvrant la porte à une transition coûteuse et potentiellement contre-productive.
La protection des données et la sécurité des infrastructures constituent également des points sensibles. L’extension du DEP à davantage d’acteurs augmente la surface d’attaque, rendant le système plus attractif pour les cybercriminels. Le regroupement de données médicales hautement sensibles dans une infrastructure centrale exige des garanties techniques et organisationnelles rigoureuses. Plusieurs questions restent ouvertes concernant l’architecture technique, la gouvernance et la répartition des responsabilités en cas d’incident.
Face aux critiques, l’OFSP affirme qu’une bonne partie des lacunes ont été corrigées dans la version la plus récente du projet. Les bénéfices visés sont désormais explicités, les responsabilités clarifiées, et la nouvelle infrastructure est considérée comme objet protégé soumis à la loi fédérale sur la sécurité de l’information. Une nouvelle consultation mi-2025 a confirmé une qualité nettement améliorée de la documentation, bien que quelques ajustements aient été nécessaires.
Initialement prévue pour le mois d’avril 2025, la présentation formelle du projet de révision au Conseil fédéral a été repoussée à novembre 2025, ce que le CDF salue. Ce délai supplémentaire doit permettre une préparation plus solide et une meilleure coordination entre les différents acteurs du système de santé.
Pour la suite, le CDF exige une gouvernance projet cohérente et l’implication active de toutes les parties prenantes — prestataires, cantons, organismes professionnels — afin de garantir une mise en œuvre ordonnée, techniquement maîtrisée et économiquement soutenable.
À fin août 2025, la Suisse comptait 121’332 dossiers électroniques du patient ouverts. La révision de la LDEP pourrait jouer un rôle décisif dans son adoption, sa sécurité et sa confiance publique. Reste à voir si les ajustements engagés suffiront à répondre aux enjeux croissants de cybersécurité et d’interopérabilité dans le système de santé suisse.